À TABLE !

UNE CULTURE

Chez nous dans le Sud-Ouest, aux portes de Toulouse, la table est à la fois une culture et un art de vivre.
Du célèbre cassoulet (avec toutes ses variantes) au canard gras, en passant par la belle production maraîchère de Tarn-et-Garonne et la pêche de Méditerranée et du Pays basque, nous vivons dans un véritable pays de cocagne. Et nos vins, bien sûr, sont enfants de cette culture, destinés à arroser et rafraîchir ripailles et banquets.

LA RECETTE DU CASSOULET DE COUTINEL

pour 6 personnes
1 kg de tarbais secs
2 litres d’épais bouillon de cochon noir
200 g de couennes et 1 andouille de couennes
1 bout d’oreille confite
1 jarret de porc et des coustelous (comptez 6 os à ronger)
saucisse fine à volonté
200 g de collier de mouton ou de vieille brebis
100 g de lard vieux
un bout d’os rance ou de talon de jambon
2 cuisses de confit d’oie
4 carottes, 1 poireau, coulis de tomate, 3 oignons, 20 grains d’ail
rose de Lautrec, 3 clous de girofle, persil, sarriette
sel sans excès
poivre en abondance


L’avant-veille, faire tremper les haricots en jetant ceux
qui flottent à la surface. Dans le même temps, préparer le
bouillon en immergeant dans l’eau froide oreilles, queue, pied
et autres morceaux que la morale réprouve. Le bon goût impose
un bouquet garni.
La veille, bien rincer les haricots à l’eau froide. Les
mettre à cuire au bouillon dégraissé, avec le jarret, l’andouille,
un quart du collier, les couennes, un bout d’oreille confite, le
lard vieux et le jambon hachés, les carottes en rondelles, le poireau
ciselé, les deux oignons cloutés, les trois-quarts de l’ail,
vingt grains de poivre noir et deux cuillères de graisse d’oie. Un
des axiomes du cassoulet – qu’il convient d’appliquer dès cet
instant – est d’éviter de remuer, touiller, malmener le haricot ; il
faut le laisser suivre son train de sénateur, deux heures à couvert
sur feu doux, dans une marmite haute à fond épais.
Pendant que le haricot distille son jus, dans une poêle
ou une sauteuse, préparer une sorte de fricassée de mouton
avec le reste du collier et de l’ail. On doit saisir, pas bouillir ! À
la fin, ajouter trois cuillères à soupe de coulis de tomate, une
pincée de sarriette et quelques tours énergiques de moulin à
poivre. Parallèlement, faire rapidement griller au four la surface
des coustelous. Dans le même ordre d’idée, on peut dans une
autre poêle, donner un peu de couleur aux morceaux de confit
d’oie que l’on découpera ensuite en six morceaux.
Deux heures se sont écoulées depuis le début de la cuisson
des haricots, l’heure est grave. Le moment délicat, en tout
cas. Frotter d’ail la cassole. Avec précaution, pour ne pas blesser
les haricots, retirer les couennes et les utiliser pour tapisser
les parois intérieures du plat de terre rouge. Verser ensuite une
première couche de haricots, puis du jarret, coupé à la main en
petits bouts, de l’andouille en rondelles, des coustelous
détaillés, du confit, le mouton. Poivrer virilement, saler éventuellement.
Recouvrir du reste des haricots, poivrer encore, puis
mouiller plus qu’à hauteur avec le jus de cuisson du mouton et
celui des haricots. Conserver au frais le surplus de ce dernier jus
ou de bouillon de cochon s’il en reste.
Enfourner à cent, cent-dix degrés. Là, commence l’école
de patience : la cassole devra rester au moins douze heures à
ce régime pour que la cuisson s’opère réellement. Entre-temps,
casser la croûte, l’enfoncer et arroser si besoin. La surface doit
brunir mais jamais noircir. Quand tout vous semble juste et parfait,
que les douze heures pleines se sont écoulées, éteindre le
feu et retirer la cassole de son bouillant logement. Laisser tendrement
refroidir, c’est à ce moment là que l’idée vient au haricot,
qu’il infuse. Couvrir la cassole d’un torchon de cuisine et
mettre de côté pour le lendemain.
Au petit matin du Grand Soir – ou de l’immense Midi –
faire préchauffer le four à cent-dix degrés, le parfumer de
quelques brindilles d’ajoncs aromatiques, et y introduire le cassoulet
froid, éventuellement mouillé d’un peu de bouillon.
Laisser réchauffer deux heures. Pendant ce temps, alors que
l’on s’embrasse et que l’on débouche les bouteilles, sortir votre
meilleure poêle de tôle noire, la graisser légèrement et la faire
monter en température pour griller la saucisse fine préalablement
sortie du réfrigérateur.
Porter la cassole brûlante sur la table, ainsi que la saucisse
servie dans sa poêle, les convives y « piocheront » tandis
qu’ils mangeront le haricot.

NB: il va de soi que les restes de ce plat – si par bonheur il en
reste – seront gentiment réchauffés le lendemain et avalés aussi discrètement
qu’égoïstement.